Mohandas Karamchand Gandhi s’est vu accoler l’épithète de Mahatma, ce qui signifie « grande âme » en sanscrit, et est quasiment une sorte de canonisation. Mais mérite-t-il vraiment ce titre, lui qui est devenu une icône pratiquement intouchable, sans vouloir jouer sur les mots, le père de l’indépendance indienne, un apôtre de la non-violence qui aura inspiré jusqu’à Martin Luther King ?
Marré reins z’ot*, bonnes gens ! Gandhi, que la bonne ville de Fort-de-France honore d’un buste, a pas mal de côtés sombres, dont un particulièrement noir, si je puis dire : il était effroyablement négrophobe, au point que certaines de ses déclarations sont dignes des théoriciens racistes les plus virulents.
C’est l’Afrique du Sud qui va former Gandhi. Il y arrive en 1893. Il est avocat, c’est un jeune homme timide, et c’est là qu’il va acquérir assurance et conscience politique. Mais sa conscience politique, qui lui vient de l’observation des discriminations auxquelles sont sujets Noirs et Indiens, ne l’incitera pas à prendre une position universaliste, et à s’attaquer à toutes ces injustices. Non, ce pour quoi Gandhi va lutter, c’est pour les Indiens ne soient pas confondus avec les Noirs, qu’il appelle fréquemment « kaffirs », terme méprisant s’il en est, car il croit fermement à une hiérarchisation des races, et à la supériorité des Indiens sur les Africains. Ainsi, il s’offusquera que le bureau de poste de Durban ait une entrée pour les Blancs, et une pour les non-Blancs, les Indiens devant emprunter la seconde, comme les Noirs, et considérera comme « non insatisfaisant » le résultat de l’action menée par les Indiens contre cet état de fait : une troisième entrée réservée aux Asiatiques !
Et Gandhi écrit, dans le journal sud-africain Indian Opinion. Par exemple : « Nous croyons en la pureté raciale. Seulement nous pensons qu’ils serviraient mieux leurs intérêts, qui nous sont aussi chers qu’à eux-mêmes, en défendant la pureté de toutes les races et non d’une seule d’entre elles. Nous croyons aussi qu’en tant que Blancs, la race blanche d’Afrique du Sud doit être la race prédominante. » Ou encore, lorsque la ville de Johannesburg envisage de laisser les Noirs se déplacer dans le quartier hindou : « Pourquoi d’entre tous les lieux, à Johannesburg, le quartier indien a-t-il été choisi pour y déverser tous les « kaffirs » de la ville ? Cela dépasse mon entendement. » Une autre ? « Pourquoi devrait-on mélanger les Indiens avec d’autres classes de couleur ? Si la majorité des personnes blanches dans le Transvaal ne voit pas de distinction, n’est-ce pas le devoir du gouvernement de les éduquer à une juste appréciation de celui-ci ? ».
Impossible de tout rapporter ici. Mais on peut parler de son attitude lors de la guerre contre les Zoulous, où il va prendre fait et cause pour l’empire britannique, aider à former un corps d’ambulanciers indiens (les Indiens ne pouvaient être soldats, n’ayant pas le droit de porter des armes), et écraser de son mépris les Noirs, aussi bien rebelles que « loyalistes ». Il mentira plus tard, dans son autobiographie de 1927, en prétendant avoir été de tout cœur avec les Zoulous.
Voilà donc Gandhi ! Quand on n’a pas glissé discrètement et pudiquement ces déclarations sous le tapis, on lui a trouvé des excuses : c’était une autre époque, c’était un homme imparfait. Très imparfait, et justement contesté dans son propre pays, notamment pour son attitude vis-à-vis des castes, et notamment des Intouchables. Bhimrao Ramji Ambedkar, principal rédacteur de la constitution indienne, leader des Intouchables, le surnommera « le saint du statu quo ».
Alors, Gandhi, une grande âme ? Faut-il qu’il ait une statue à Fort-de-France ? Tant qu’à honorer un « Mahatma », pourquoi pas Jyotirao Govindrao Phule, qui s’est engagé contre le système des castes, pour l’éducation des femmes et des castes inférieures, et a ouvert la première école pour femmes d’Inde en 1848.
* Peut être traduit par « À l’attaque ».
Georges Chenard
pour MadininaTV
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